154
HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
suites dispersées un peu partout. Nous avons donné plus haut (p. 87 et 89) deux de ces réminiscences homériques. L'une, qui montre le fils d'Achille armé chevalier, sortirait, suivant une an­cienne tradition, d'un chàteau du Dauphiné qui appartenait autre­fois au chevalier Bayard.
L'autre viendrait de la famille de Besse, habitant jadis Aulhac ; elle décorait naguère la grande salle du tribunal d'Issoire. Celle-ci re­produit un épisode de la lutte des Grecs contre les Troyens. Au milieu d'une furieuse mêlée, où les héros les plus illustres, Hector, Ajax, Diomède se livrent des combats acharnés, un Centaure bande son arc et va envoyer sa flèche.
Naguère encore, on voyait à Montereau, dans la salle du tribu­nal, neuf pièces conservées, avant 1789, dans le chàteau de Va­rennes. Ici encore, l'Iliade fait les frais de la composition. Par le costume des personnages, par la date de l'exécution, qui remonte aux débuts du xvie siècle, les tapisseries de Montereau présentent de grandes analogies avec celles d'Issoire et du chàteau de Bayard. A la même famille et à une suite identique appartiennent aussi les trois panneaux du comte Schouvaloff; un de ces sujets a été publié par nous dans l'Histoire générale de la tapisserie.
Les musées publics et les collections particulières abondent en tentures précieuses de la fin du xvc ou du commencement du xvi0 siècle ; mais il est à peu près impossible de remonter à l'origine de ces pièces qui ont passé par cles mains nombreuses, tandis que les tapisseries-des églises n'ont pas quitté, depuis bien des années, le trésor auquel elles étaient destinées lors de leur fabrication.
Qui ne connait les dix grandes scènes de l'Histoire de David et de Bethsabée, qui couvrent les parois de la plus vaste salle de l'hôtel de Cluny? Ces belles tapisseries, rehaussées d'or et d'ar­gent, mesurant quatre mètres soixante centimètres de hauteur sur soixante-seize mètres de cours environ, appartiennent à la plus belle époque de l'art et sortent très probablement de quelque ate­lier flamand. Exécutées, assure-t-on, pour la cour de Flandre, elles auraient plusieurs fois changé de propriétaire avant de trou­ver un asile sûr et définitif dans notre musée.
L'histoire de Bethsabée, comme celle d'Esther et celle de la chaste Suzanne, compte parmi les épisodes de l'Ancien Testament que les tapissiers aiment à reproduire. On a déjà cité plus d'un exemple de cette prédilection.